La publicité et les marques jouent souvent avec les référents culturels de leurs cibles.
Que cela permette de gagner en efficacité, en affinité (en connivence ?) ou en modernité en s’inscrivant dans l’air du temps, l’utilisation est fréquente d’icônes, de symboles, de chansons, de films, de livres ou de séries TV, soit comme sources d’inspiration, soit en les citant explicitement dans les créations.
On peut le faire au moment où l’élément est dominant dans la culture ou au contraire des années après, sur un mode plus nostalgique.
Certains référents sont universels et franchissent les frontières et / ou les générations, d’autres naissent et meurent.
Seul risque pour les créatifs : croire que leurs propres référents sont connus de tous (pas sûr que Casimir parle aux jeunes d’aujourd’hui, pas plus que les vampires à la Twilight parlent aux seniors).
J’essaierai de temps en temps de décrypter les référents culturels derrière des publicités ou des discours de marques.
Aujourd’hui : Sonim, les téléphones qui résistent à la fin du monde.
La marque Sonim, spécialisée dans les téléphones ultra-résistants, vient de réaliser avec Young&Rubicam trois publicités aux Etats-Unis suggérant (faute heureusement de pouvoir le démontrer — on est évidemment dans l’hyperbole publicitaire) qu’en cas de fin du monde, ses téléphones pourraient bien vous permettre de continuer à communiquer (à condition que les relais aient eux-mêmes résisté… ce qui n’est pas sûr).
Chaque publicité met en scène une version possible de l’apocalypse : la chute d’une météorite, une glaciation ou un déluge.
De Saint Jean aux Mayas : la permanence culturelle de l’Apocalypse
Évidemment, notre culture judéo-chrétienne est très marquée par l’Apocalypse et ses symboles.
Sonim joue avec ce substrat culturel et choisit justement de le faire en 2012, quand la thématique de la fin du monde resurgit avec la légende du calendrier maya censé marquer un “passage” précisément cette année. Tous les consommateurs potentiels étant baignés dans cette thématique, l’impact et la compréhension sont garantis. En cette année du centenaire du naufrage du Titanic, cela aurait pu être une autre source d’inspiration.
Selon Sonim, la fin du monde peut bien être pour aujourd’hui, le modèle actuel de téléphone est déjà prêt pour survivre, pas la peine d’attendre le prochain.
La feu, la glace, le déluge : des trompettes aux films-catastrophes
Les options de fins du monde représentées ne sont pas non plus choisies au hasard.
Le déluge marque nos mythes depuis Sumer. La chute d’une comète correspond à la troisième trompette de l’Apocalypse de St Jean ( “Absinthe” ). Seule la glaciation me semble à ma connaissance avoir moins de référence culturelle ancienne.
Dans la culture plus récente de sa cible, Sonim joue évidemment avec les films que les acheteurs potentiels ont probablement vu en reprenant les thèmes, voire des visuels très proches des affiches : Deep Impact (1998) pour la comète, The Day After Tomorrow (2004) pour la glaciation et 2012 (2009) pour le déluge.
Dans la littérature de science-fiction que peut également connaître le consommateur potentiel, citons les romans de J.G. Ballard qui a fourni plusieurs versions possibles de la fin du monde.
L’absence de sécheresse dans les publicités de Sonim est d’ailleurs étonnante : est-ce lié au fait que beaucoup d’Américains ne croient pas au réchauffement climatique ?
Une telle option aurait-elle pu être perçue comme une prise de position politique ?
La main sortant de terre : une erreur de référence ?
L’image clé qu’utilise Sonim est cette main de survivant sortant de la terre, de l’eau ou de la glace, prête à passer son appel d’urgence.
Mais il me semble que l’image peut renvoyer à toute autre chose dans la culture du consommateur.
En effet, du clip de “Thriller” à l’affiche de “Day of the Dead” , la main sortant de terre est en général plutôt celle d’un mort-vivant que celle d’un survivant.
Il existe donc un risque que le référent culturel tombe à côté et fasse de Sonim la marque des téléphones que même un mort-vivant peut utiliser.
En tout cas ces publicités sont de bons exemples de la manière dont on peut jouer avec des référents culturels et des risques possibles de mauvaise interprétation qui en découlent.