En résumé :

Dans l’alimentaire, les co-brandings sont une démarche marketing classique quand on veut renforcer l’attractivité de son produit avec le savoir-faire d’une autre marque connue pour sa recette, son goût, etc. Il me semble qu’aujourd’hui ces co-brandings pourraient évoluer. Pour répondre aux attentes des consommateurs , pourquoi ne pas nouer des partenariats avec des marques déjà légitimes en matière de RSE ? Utiliser les produits de ces « marques composants » dans l’élaboration de sa propre recette permettrait de gagner en crédibilité et d’économiser la construction de ses propres engagements et de ses propres filières.

À l’époque où Intel régnait sans partage sur le monde des microprocesseurs, c’était un signe de qualité et de réassurance pour l’acheteur potentiel de voir le logo « Intel inside » sur son futur ordinateur. Les publicités des fabricants allaient même jusqu’à se conclure avec le logo animé du fondeur accompagné d’un petit jingle de cinq notes qui est resté dans bien des mémoires.

Le co-branding tel qu’on le connaissait jusqu’ici dans l’agroalimentaire

L’alimentation elle aussi connaît le co-branding. Cette stratégie marketing où une marque en accueille une autre qui lui apporte son savoir-faire et sa propre image de marque. Jusqu’ici, la marque « composant » est souvent choisie pour sa recette au goût inimitable, susceptible d’attirer les fans sur un nouveau segment, où ils retrouveront le goût de leur produit préféré.

Parmi les exemples de cette stratégie, on peut citer les marques du groupe Bel, friandes de ces partenariats, qui apportent leur notoriété et leurs recettes au goût exclusif. C’est ainsi que l’on a connu les pâtes Lustucru au Leerdammer, les sauces Zapetti à la Vache qui rit ou encore les crêpes dentelles fourrées au Boursin.

« Ces co-brandings nous permettent de servir le besoin d’innovation et les évolutions stratégiques de nos partenaires tout en touchant nos publics à travers de nouveaux segments. »

Bruno Camozzi, Business Unit Manager Bel Foodservice PAI

Paradoxalement, je connais peu de succès dans ces partenariats qui se révèlent souvent éphémères. Plusieurs explications sont possibles : divergences de stratégies, prix excessif payé pour avoir accès aux recettes par rapport aux ventes générées avec un goût équivalent, mais « sans marque », etc. Ces opérations restent souvent des « coups » marketing et commerciaux qui font le buzz, mais ne durent pas longtemps en rayons.

Le nouveau co-branding agroalimentaire : à la recherche de l’expertise RSE

Si ces partenariats restent tout à fait pertinents, on voit les prémisses d’un autre type de co-branding qui me paraît très judicieux et peut être plus pérenne, cette fois en utilisant le savoir-faire RSE de la marque «composant».

On sait qu’aujourd’hui les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la carte d’identité RSE du produit alimentaire qu’ils achètent. L’origine géographique des ingrédients, les conditions de sa culture, son élevage ou sa récolte, la rémunération de l’agriculteur (éleveur, pécheur, etc.) à l’origine de celui-ci, les conditions de sa transformation et de son transport : voici un certain nombre de critères qui, ensemble ou séparément, font désormais partie des critères d’achat. Certaines marques ont construit leur différenciation sur des arguments essentiellement (voire exclusivement) RSE.

Imaginons une (grande) marque alimentaire qui cherche à s’améliorer dans ce domaine et qui utilise dans l’élaboration de son produit des ingrédients qui peuvent être fournis par ces marques «expertes de la RSE». Pourquoi ne pas gagner du temps et de l’argent (plutôt que de construire ses propres filières) et de la crédibilité (la marque « experte » l’a déjà et pour moi elle l’aura toujours plus qu’une marque qui se transforme et dont les consommateurs douteront toujours un peu de la sincérité) en choisissant le co-branding avec une de ces marques RSE, qui devient alors une «marque composant» ?

On observe déjà ces mouvements.

Le premier exemple est à la frontière des deux types de co-branding.

Lorsque la marque bio de Danone, Les 2 Vaches, s’associe avec Malongo, c’est bien entendu pour promettre que la crème dessert au café bénéficiera de l’expertise de celle-ci en termes de sélection et de torréfaction des grains. Il y a donc bien une question de goût dans la stratégie. C’est ce qu’avait fait par le passé Rians avec Maison du Café.

Mais ce sont surtout les engagements de Malongo en matière de commerce équitable qui sont recherchés dans ce partenariat. La marque Les 2 Vaches y gagne une cohérence par rapport à son propre positionnement, une capacité à attirer les fans de Malongo et un gain de temps par rapport à acheter par soi-même du café équitable, ce qui n’est pas son savoir-faire. Certes, le coût est peut-être plus élevé, mais les gains me paraissent largement compenser ce surcoût.

Le deuxième exemple est celui de Franprix. L’enseigne urbaine, au positionnement RSE marqué pour répondre aux attentes de sa clientèle, vient d’initier un partenariat avec l’entreprise Poulehouse, dont les œufs étaient déjà distribués dans les magasins de l’enseigne depuis plusieurs mois.

Poulehouse, c’est une entreprise engagée qui s’est construite en promettant que les poules pondeuses dont elle vend les œufs ne seront pas tuées à la fin de leur période de production maximale (18 mois environ), mais qu’elles auront droit à une retraite heureuse jusqu’à la fin de leur vie. En plus de cela, la marque garantit une rémunération supérieure à l’éleveur et s’engage sur la fin du broyage des poussins. Le nouveau fondant au chocolat proposé par Franprix à sa marque est fabriqué en utilisant dans la recette des œufs Poulehouse. L’enseigne bénéficie ainsi du savoir-faire et de la crédibilité de la start-up.

À mon avis, beaucoup d’autres marques alimentaires pourraient s’inspirer de cette stratégie pour leurs propres produits. On se souvient en effet de l’action de L214 qui avait obligé Michel et Augustin à abandonner l’utilisation d’œufs de batterie dans ses produits.

D’autres actions de co-branding de ce genre sont possibles. Le succès de la démarche C’est qui le patron permettrait aujourd’hui à beaucoup de marques de remplacer leurs ingrédients «no-name» par des ingrédients fournis par «La marque du consommateur» (à condition que la démarche soit validée par les sociétaires). Ces marques renforceraient ainsi leur image et leurs engagements RSE, en bénéficiant de tout ce qu’a construit C’est qui le patron depuis quelques années et de sa crédibilité. Aujourd’hui la démarche existe en partie puisque C’est qui le patron vend sa farine à des artisans-boulangers, leur permettant ainsi de vendre une «baguette du consommateur». Mais aucune marque industrielle n’a encore franchi le pas.

D’autres partenariats sont envisageables. Food4Good, qui construit depuis 10 ans des filières d’approvisionnement de produits de la mer RSE (bio, pêche durable, limitation des emballages, etc.), pourrait être associée à une autre marque qui utiliserait sa matière première dans ses produits.

Bleu Blanc Ruche pourrait céder son miel à des industriels pour qu’ils le transforment, et ainsi de suite.

À mon avis, cette stratégie est la bonne, car une marque « industrielle » gagne en crédibilité et en réactivité en s’associant avec une entreprise qui s’est créée avec pour seule raison d’être ses engagements RSE. Le consommateur y verra toujours plus de sincérité que si la grande marque fait seule la démarche. D’autant qu’il n’existe pas de label RSE unique, comme cela a été le cas sur le bio. Au-delà de l’aspect RSE, elle réduit également son image «industrielle» en s’associant à des startups expertes.

Néanmoins, le principal frein de cette démarche peut justement être ce «choc des cultures». Entre la grande marque, parfois internationale, et la startup engagée, voire très militante, les cultures sont-elles compatibles ? Les 2 Vaches et Malongo sont très proches culturellement. Est-ce que cela aurait fonctionné avec une autre marque de Danone ?

Les bénéfices pour la grande marque paraissent clairs. Mais ils sont également réels pour la petite marque, même militante. Quoi de mieux en effet que de convertir de gros volumes à sa démarche ? C’est une manière plus rapide de faire bouger les choses.

En tout cas, cette démarche de co-branding me paraît être une stratégie très pertinente pour les marques cherchant à renforcer leurs engagements RSE.

 

Ce que vous pouvez retenir pour votre marque

Si vous cherchez à renforcer vos engagements RSE, envisagez de vous associer avec une marque «composant» qui propose certains de vos ingrédients (les principaux, ne faites pas cela sur un ingrédient marginal, au risque de vous décrédibiliser) avec une démarche sincère dans ce domaine.

Les échanges entre les équipes peuvent également être un vrai bénéfice, à condition de se laisser bousculer par une manière souvent décalée de faire du marketing.

Contactez-moi pour en parler ensemble.

Ne manquez pas mes posts !

Je ne vous spammerai pas ! Consultez la politique de confidentialité pour plus d’informations.