Certains y verront sans doute d’abord un symbole honni de la mondialisation et d’une standardisation des cultures, au profit du seul référent américain.
J’y vois en tout cas l’un des principaux exemples (avec Coca-Cola évidemment) de ces “brand journeys” d’une marque dont la naissance est datée dans le temps (1937) et dans l’espace (Arcadia en Californie) mais qui a su s’extraire de ce point de départ pour devenir universelle.
Deux films récents, tous les deux réalisés au Canada par l’agence Cossette, montrent à la fois le quasi-achèvement de ce voyage dans l’espace et le passage de la marque de génération en génération.
Ils participent ainsi à l’accession de la marque McDonald’s au statut de véritable mythe.
Mon hypothèse, c’est que ce mythe ressemble fort à celui de l’Arcadie légendaire, mais dans une version moderne : une utopie rendue accessible partout, tout le temps et à tous.
Le premier film montre l’achèvement du voyage dans l’espace (la marque est désormais présente partout) mais manifeste toute l’ambivalence d’un tel voyage pour une marque.
Où que l’on soit dans le monde, la marque est connue et un de ses restaurants est accessible facilement.
Mais cette présence d’un McDo dans tous les pays est-elle un facteur de rapprochement entre les peuples (comme semblent le signifier toutes ces poignées de main) ou au contraire permet-elle à un touriste de se sentir chez lui partout, sans avoir besoin de s’imprégner de la culture des autres, puisqu’il peut partout trouver un “petit bout de chez lui” (puisque je me nourris partout comme chez moi, nul besoin de me nourrir des autres) ?
Peut-être que McDonald’s aurait pu lever une partie de cette ambiguïté en montrant certaines de ses exécutions locales car justement un de ses axes stratégiques depuis les années 90 est de faire rentrer un peu de culture locale dans l’architecture de ses restaurants et dans ses menus.
Pour aller encore plus loin dans l’universalité, il faudrait également représenter des touristes de différentes nationalités. Mais il s’agit ici d’un film canadien, pas d’une campagne globale.
En tout cas, je pense que ce que souhaite la marque, c’est dépasser cette lecture critique.
Pour McDonald’s, ce qui est accessible partout dans le monde, ce n’est pas un morceau d’Amérique, il y a longtemps que ce n’est plus le coeur du positionnement. Ce qui est accessible c’est un accueil, une manière de se nourrir, une convivialité, une personnalité de marque et de restaurant. Et ces valeurs rapprochent les cultures.
En ce sens, ce film manifeste la première facette du mythe : un lieu idyllique, accessible partout dans le monde.
Le second film montre que la marque est devenue transgénérationnelle et que le “moment McDonald’s” peut se répéter tout au long de sa vie, avec beaucoup d’émotion.
Dans le premier film, “McDonald’s” est déjà connu (consommé ?) par différentes générations.
Dans le second, la marque va plus loin sur ce thème : non seulement différentes générations se rendent dans un restaurant de la marque à un instant t, mais on voit qu’ils agissent ainsi comme ils l’ont déjà fait auparavant dans leur vie.
Agissent-ils ainsi par habitude uniquement ? Le font-ils par nostalgie d’un moment révolu de leur vie ? En tout cas, les deux moments sont forcément heureux (même l’étudiante qui a manifestement économisé pour s’offrir son repas ne semble pas vivre ce moment comme un moment de privation ou de pauvreté).
C’est ainsi que se construit la seconde facette du mythe : le moment de l’expérience McDonald’s est un âge d’or, un moment d’abondance, de bonheur, d’innocence. Mais cet âge d’or n’est pas que dans le passé, il est dans le présent et également dans le futur, car on pourra y revenir plus tard.
Dans la mythologie grecque, un mythe regroupait à la fois les deux facettes.
Celle du lieu idyllique et celle de l’Âge d’or. Il s’agissait du mythe d’Arcadie.
Je fais l’hypothèse qu’avec ces deux films, McDonald’s s’inscrit dans la continuité de ce mythe, mais en le rendant proche et accessible, alors que l’Arcadie antique ne l’était pas.
Aller dans un restaurant McDonald’s partout dans le monde, c’est donc se rendre dans un lieu idyllique, un endroit de bonheur, qui fait de chaque expérience vécue dans un restaurant un nouvel Âge d’or.
La quête de ce lieu est désormais assez simple, puisque les “autochtones” peuvent indiquer facilement la destination.
A tout moment et partout, l’Arcadie est au coin de la rue.
Accessible partout et à tout moment, cette Arcadie moderne l’est évidemment à tous, ce qui fait le lien avec la campagne de BETC en France, “Venez comme vous êtes” .
Pas la peine d’être initié, l’Arcadie s’ouvre à chacun.
La question que l’on peut se poser est la place que tient désormais le produit (et quel produit ?) dans ce mythe en construction. Quel est désormais le métier de McDonald’s ? Se veut-elle encore une entreprise de hamburgers ? Evidemment non.
McDonald’s veut proposer des lieux où l’on se sent bien, parce qu’au delà de la nourriture ( “more than that’s on the menu, that’s the value of McDonald’s” ), ce lieu porte des valeurs (convivialité, proximité, voire fraternité) dans lesquelles on peut se retrouver, à chaque moment de sa vie.
Avec une telle promesse, tous les types de nourriture sont accessibles et en France, les cafés peuvent se sentir encore plus en danger. Pas uniquement parce le repas chez McDo remplace le plat du jour ou le sandwich au zinc, mais parce que plutôt que se donner rendez-vous ou refaire le monde dans un café, on le fera chez McDo.
Le premier café philo qui se fera dans un McDo marquera vraiment la fin d’une époque.
Pour revenir à l’Arcadie, il ne vous aura pas échappé que McDonald’s est né en 1937 dans une petite ville de Californie, nommée… ARCADIA.