Le risque avec le « bien manger », c’est de rester à la surface des choses, par snobisme ou par croyance.

Stéphane Brunerie a lancé sur Stripfood un débat nécessaire et important sur le coût réel ou supposé du « bien manger ». Voici ma contribution à ce débat. Vous pouvez retrouver l’article original ici.

« Bien manger coûte-t-il vraiment plus cher ? »
La sagesse populaire ou les discours dominants nous donnent envie de répondre avec tristesse : « OUI ».

Il ne faut pas se mentir. Oui, le bio coûte plus cher, oui les produits venant de France coûtent plus cher, oui la viande label rouge coûte plus cher… Intuitivement, on se dit que s’il fallait remplacer tous les aliments que l’on mange par leur version bio, labellisée ou locale, on ne finira pas le mois… Alors, comment demander à ceux qui ont déjà du mal à s’en sortir de faire encore plus d’efforts ?
Mais, pour bien répondre à cette question, il s’agit de bien définir les mots « bien » et « coûter ». Ceux-ci sont en effet polysémiques. Ne pas s’entendre sur ce qu’on met derrière peut très vite vicier la question.

Est-on sûr de ne pas se tromper d’idéal quand on définit le « bien manger » ?
Et nous avons tendance à regarder le « coût » uniquement en termes pécuniaires, alors que c’est bien plus que cela.

Je m’explique.

Quand « bien manger » n’est pas ce qu’on nous fait croire

Nous faisons selon moi deux erreurs quand nous répondons « OUI ».

La première est de croire que « bien manger » veut dire manger des aliments plus haut de gamme.
Manger du caviar ou boire des grands millésimes bordelais comme idéal du « bien manger ».
L’autre erreur serait de continuer à s’alimenter de la même façon et remplacer systématiquement chaque produit par sa version labellisée, là où on achetait un produit standard.

Le risque du « bien manger », c’est donc de rester à la surface des choses, par snobisme ou par croyance.

C’est la raison pour laquelle pour moi, il faut d’abord éduquer à ce qu’est réellement le « bien manger ».

C’est uniquement ainsi que l’on pourra éviter de répondre « OUI » à cette question et induire en erreur les gens en les culpabilisant s’ils n’offrent pas du caviar à leurs invités.

Expliquer sans cesse les différents aspects du « bien manger » :

  • le bien pour soi : ce qui est bon pour la santé, apporte du plaisir, fait découvrir la variété des aliments et des manières de les préparer,
  • le bien pour la planète : celui qui permet que ce que l’on mange aujourd’hui existe encore demain et si possible sous une meilleure forme,
  • le bien pour les autres : pour les producteurs mieux rémunérés, mais aussi pour nos convives, ce beau mot (« vivre avec ») qui désigne ceux avec qui l’on mange. Bien manger, c’est manger une nourriture qui nous réunit, qui nous rapproche, qui nous fait humanité.

Mais tout ça, ça coûte bien plus cher, non ?

On a déjà vu que « bien manger » n’est pas nécessairement choisir des aliments qui sont signes de richesse.
Il y a aussi un peu de sobriété dans cette manière de s’alimenter.
« Bien manger » génère d’abord des économies que l’on peut réinvestir pour plus de qualité :

  • Parce que l’on va davantage faire soi même qu’acheter des aliments tout-prêts industriels.
  • Parce qu’en faisant soi même, on va manger des aliments qui “nourrissent” plus (satiété) ou font moins boire (moins de sel) et donc on va réduire nos portions consommées par rapport à une alimentation industrielle “bas de gamme”. On va aussi gaspiller moins.
  • Parce qu’on va avoir un impact positif sur notre santé, ce qui nous fera économiser à terme sur les frais occasionnés par une santé dégradée
  • Parce qu’en consommant moins souvent certains aliments chers (par exemple de la viande), on va pouvoir investir dans la qualité des aliments au sens large. Y compris les aliments préparés. La viande que l’on mangera sera de meilleure qualité et les plats préparés également.

« Bien manger », non seulement cela ne coûte pas plus cher, mais en fait cela rapporte

« Bien manger », c’est plus de respect : de soi, de la planète, des autres.
Cela ne coûte finalement pas plus d’argent, peut-être plus de temps et d’attention.
Mais cela nous rapporte : la santé, le plaisir de cuisiner et de déguster et d’être en contact avec les ingrédients et les autres.
Cela n’a pas de prix.

Quelle (belle) mission pour l’industrie alimentaire alors ?

Éduquer.
Améliorer sans cesse les recettes. Inscrire ses produits dans la préparation et pas uniquement dans la consommation toute-prête. Permettre l’accès au « bien manger » pour tous. Aider les personnes à repenser leur rapport à la nourriture et à se transformer, en passant de simples « mangeurs » à de véritables « mange’acteurs ».

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