On connaît la phrase de Jean Cocteau : «puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur». En marketing, cela veut souvent dire tenter de rattraper des tendances que l’on n’avait pas vues venir, voire que l’on avait niées, en proposant de nouveaux produits qui leur sont mieux adaptés que le portefeuille existant. Danone et Pepsi nous donnent trois exemples de ces innovations, plus ou moins tardives.

Le fait-maison est une tendance lourde depuis des années sur beaucoup de marchés, en particulier alimentaires. Les facteurs explicatifs ne manquent pas : plaisir de “mettre la main à la pâte”, économies, lutte contre la consommation d’emballages, personnalisation, naturalité, transparence sur les ingrédients utilisés, absence d’additifs, etc. Cela a beaucoup profité au petit électroménager (robots, yaourtières, etc.) Le confinement a fait gagner plusieurs années à cette tendance et les rayons de farines (et autres aides culinaires) ont été dévalisés. Évidemment, le manque de temps post-confinement a remis un peu les pendules à l’heure, mais nul doute que cela va continuer à croître.

Face à cette tendance, on peut tenter d’expliquer en quoi son produit préparé est meilleur que ce que l’on peut obtenir à la maison (plus sûr, plus nutritionnel, plus savoureux, etc.) C’est souvent la réaction des grandes marques. Mais à mon avis, il vaut mieux être pragmatique et profiter d’elle plutôt que lutter. Cela nécessite de bien comprendre ce que sa marque peut apporter et ce qui en fait la vraie valeur ajoutée et la promesse centrale.

  • Blédina “Les Récoltes bio à mélanger”

L’alimentation infantile est un marché où les parents rêvent de cuisiner eux-mêmes le repas de leur bébé. Cela s’explique par : des bénéfices émotionnels (rôle nourricier du parent), la possibilité de personnaliser la recette, une confiance plus forte dans les ingrédients achetés par soi-même (alors même que l’industriel est ultra-règlementé et contrôlé), la simplicité de ses propres recettes, la lutte contre le gaspillage (petit pot jeté à moitié mangé et grande quantité d’emballages vides générés), etc. Les ventes d’aliments préparés sont en baisse depuis des années et, pendant le confinement, alors que les bébés ne mangeaient plus à l’extérieur (ni à la crèche, ni chez la nounou), elles ont continué à baisser, car les parents ont profité d’avoir plus de temps pour cuisiner plus.

Pour tenter d’en profiter, après plusieurs années de résistance, Blédina vient de lancer “Les Récoltes bio à mélanger”, une gamme de 17 produits (pâtes, sauces, céréales) destinés à rentrer dans les recettes des parents, auxquels la marque propose également des inspirations. Je ne veux pas trop m’exprimer sur ce sujet qui me tient à coeur, mais je ne suis pas sûr que cela réponde vraiment aux attentes des parents adeptes du fait-maison.

  • Danone Ferments lactiques

Avec une probabilité plus élevée de succès, signalons l’autre initiative de Danone (produits laitiers cette fois), qui vient de lancer en grande pompe (présence d’Emmanuel Faber chez Monoprix qui a pour le moment l’exclusivité, relais sur son profil LinkedIn) des ferments lactiques à sa marque pour préparer soi-même ses yaourts. Face à l’évidence, la marque se souvient qu’elle ne vend pas du lait et des emballages plastiques, mais des yaourts et que sa valeur ajoutée est bien dans la qualité de ses ferments. Dès lors, si le consommateur veut les préparer lui-même, pourquoi ne pas lui proposer ce qui fait le coeur de la proposition de Danone (avec en plus une touche vintage qui permet de surfer sur d’autres tendances) ? Cela permet de ne pas laisser le terrain à d’autres intervenants, Alsa, ou des start-ups, comme Fernand le Ferment.

  • Pepsi et Sodastream

Enfin, les machines à gazéifier ont le vent en poupe depuis quelques années, en particulier celles de Sodastream. Ce n’est donc pas étonnant que le groupe Pepsico (plus réactif que Coca Cola ? ayant moins à perdre ?) ait compris qu’il vaut mieux accompagner cette tendance en fournissant quatre “mix” (Pepsi et 7Up) pour retrouver le goût de la boisson originale. Après tout, là encore, le coeur de la marque c’est justement cette recette.

On pourrait continuer la liste longtemps. L’Oréal pourrait proposer des “ingrédients” issus de ses recherches pour préparer soi-même ses crèmes. Des marques de petfood pourraient proposer des mix nutritionnels pour préparer le repas de son animal. Des marques de bières les ingrédients pour brasser soi-même, etc.

On pourra débattre sans fin
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et faire des calculs savants de cannibalisation pour savoir si ces propositions accélèrent la tendance du fait-maison et sont finalement rentables. Ce ne sont pas des projets où il est facile de convaincre en interne. Je pense qu’à un moment, le consommateur est le patron et qu’il vaut mieux profiter de la tendance, plutôt que laisser la place à d’autres puisque de toute façon ce sera le cas (voir l’exemple des yaourts). Cela nécessite de l’humilité, mais aussi de bien comprendre ce qui fait le coeur de la proposition de sa marque et que le consommateur pourrait avoir envie de conserver, même s’il met la main à la pâte pour préparer le produit.

Ce que vous pouvez en retenir pour votre marque

Si votre produit est soumis à la concurrence du fait-maison, demandez-vous comment vous pourriez en profiter :

  • Quelle est la promesse centrale de votre marque ? Est-ce un “goût” particulier ? un cocktail nutritionnel ? un ingrédient exclusif ?
  • Comment pourriez-vous proposer cette promesse et cet avantage produit sous une forme qui pourrait être utilisée par le consommateur dans sa préparation ?

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