Aujourd’hui, industriels et distributeurs (au moins ceux qui en profitent) semblent unanimes pour se réjouir du développement du drive. Pourtant, dans les analyses, il me semble que l’on néglige de tirer toutes les conséquences possibles de sa croissance future.
Pour moi, le drive signe la fin d’un modèle pour les marques et les distributeurs.
Le marketing ne sera peut-être plus jamais comme avant.

Le drive est clairement un facteur de croissance pour les distributeurs. Ceux qui se sont lancés tôt (Auchan et Chronodrive, Leclerc) en bénéficient. Au contraire, le retard de Carrefour dans ce nouveau circuit ne fait que s’ajouter à ses autres déboires.
Certes, il n’attire encore aujourd’hui que 3,3% des consommateurs (source Kantar Worldpanel, cité par LSA), mais l’extension géographique et le recrutement de clients au-delà de sa cible initiale (les familles avec jeunes enfants) vont se conjuguer pour lui donner une part croissante dans les achats. D’autant que 96% de ses utilisateurs (source : cabinet Parabellum) le considèrent déjà comme leur magasin principal.

Il ne s’agit pas d’un épiphénomène (Kantar Worldpanel estime sa part de marché à 20% en 2020) et son impact sur les stratégies des marques et des distributeurs sera majeur.

Car c’est une autre manière de faire ses courses pour les consommateurs.
C’est donc aussi une autre manière de “distribuer” les marques.

Depuis l’invention des hypermarchés dans les années 60, la distribution des marques fonctionne en gros sur le modèle suivant :

1) Du côté des distributeurs

Il faut générer du trafic en magasins : tracts, publicités, produits MDD, promotions et positionnement(-prix) de l’enseigne sont là pour attirer les clients.
Il faut “maximiser le panier moyen” : une fois dans le magasin, tout est fait pour que le “shopper” dépense le plus possible :

  • Les promos sont là pour faire acheter plus. Leur visibilité est clé, avec l’importance toute particulière des TGs.
  • L’aménagement du magasin est de toute première importance pour une expérience d’achat agréable. On a pu parler de “marketing sensoriel du point de vente“. L’extrême de cette stratégie, c’est Carrefour Planet et son fameux “réenchanter l’hyper“.
  • Le placement des produits est également conçu pour développer les achats d’impulsion (devants de caisse, emplacements des rayons à l’intérieur du magasin, etc.).

2) Du côté des marques

  • Tout un travail se fait en amont du magasin pour développer la notoriété et donner aux consommateurs des raisons de préférence d’une marque par rapport aux autres.
  • Mais la vraie bataille se joue au final dans le magasin: les promotions, les animations, la visibilité des produits en fond de rayon (impact et attractivité du packaging, nombre de facings, placement du produit sur le linéaire) et les prix de vente sont utilisés pour générer des achats au détriment des concurrents.

Que change le drive dans ce modèle ?
Potentiellement tout.

« Les courses, c’est une perte de temps. Dans les magasins, on est toujours tenté, alors que là, au moins, je rationalise. »
Léa, 33 ans, citée par LSA

Qui sera capable de faire une opération promo aussi impactante sur le site d’un drive?

Le drive, c’est le remplacement d’un magasin par un site internet.
C’est peut-être évident comme constat, mais les distributeurs et les marques ont-elles déjà les compétences pour faire “le marketing sensoriel” d’un site internet ? Qui saura le plus attirer et maximiser la praticité ? Comment réaliser demain des opérations promos impactantes sur un site, même si on est expert de leur réalisation en magasin?

Le drive, ce sont des achats dégraissés car réduits à l’essentiel, en tout cas dans les grandes surfaces.
Un assortiment réduit. Moins d’achats d’impulsion. Moins d’impact des promotions.
Et il me semble que personne ne s’en rend compte. Pour le moment c’est la guerre des rapides pour prendre des parts de marché aux lents. Certes. Mais au final, les grandes surfaces ne scient-elles pas la branche sur laquelle elles ont fondé leur croissance ? La baisse de consommation en grandes surfaces que peut induire à terme le drive est-elle anticipée ?

Quelle place pour la découverte de nouveaux produits?

Le drive, c’est une prime aux produits déjà connus et déjà consommés.
Une répétition d’une commande à l’autre des mêmes produits grâce à une liste-type mémorisée. Une prime aux marques les plus connues, la visibilité des petites marques ne compensant plus une plus faible présence à l’esprit. Moins de visibilité des nouveautés.

Le drive, c’est plus de temps pour retourner dans les magasins de proximité.
Les consommateurs vont gagner du temps en allant moins souvent qu’avant en grandes surfaces.
Soit ils dépensent ce temps pour retourner dans les magasins de proximité (pour les achats qu’ils ne feront pas en drive – produits frais, etc.), soit les grandes surfaces réussissent à maintenir un trafic fondé sur d’autres facteurs qu’aujourd’hui.

Ce long article est volontairement extrême (worst-case scenario ?) et arrive tôt par rapport au développement du drive. Je pense néanmoins que cela vaut la peine dès à présent d’anticiper les changements de paradigme que sa croissance peut entraîner pour les distributeurs et les marques.

La semaine prochaine, dans la seconde partie, je reviendrai sur le sujet avec ce que je crois être des pistes d’actions.
D’ici là, je suis intéressé par vos commentaires.

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